Compétition, concurrence, coopération. Comment travailler ensemble aujourd’hui ?
Cette deuxième journée « Philosophie et entreprise » vise, dans la continuité de ce qui a été réalisé lors de la première journée organisée en novembre 2017, de permettre une rencontre et un échange entre enseignants-chercheurs et chercheurs en philosophie d’une part et acteurs du monde socio-économique d’autre part, autour d’une question saillante pour le monde des entreprises. En quoi l’histoire de la philosophie peut-elle nous permettre d’éclairer un certain nombre de problèmes et de perplexités émergeant dans le monde de l’entreprise ? En quoi des pratiques à l’œuvre dans le management et l’organisation des entreprises peuvent-elles nous permettre de repenser certains concepts et certaines thèses du patrimoine philosophique ? Le thème retenu cette année est la compétition, dans sa relation à deux autres injonctions de l’économie, la concurrence et la coopération. La compétition sera ici interrogé sous sa double dimension de loi du marché et d’outil managérial au service de l’engagement des salariés dans sa relation aux grands problèmes soulevés en la matière par les auteurs philosophiques.
Il n’y a rien d’étonnant à armer que nous vivons dans un monde structuré par la compétition c’est-à-dire la mise en rivalité des individus, des groupes et des organisations. L’étymologie du terme de compétition qui provient de l’anglais (competition) renvoie au bas latin competitio qui signifie candidature rivale. Compétition et compétence ont ainsi une racine commune qui restitue l’idée de se rencontrer en un même point. Une compétition sportive réunit d’ailleurs en un même point des sportifs ayant vocation à réaliser des performances en vue de l’obtention d’une récompense. Si les termes de compétition et de compétence proviennent d’une racine commune, il ne faut pas oublier que cette racine donne en fait deux familles de termes, ceux de l’ordre de la compétition et ceux de la compétence (qui se situent plutôt dans le registre de la proportion, de la juste proportion contre le registre de la rivalité, ou du moins en accord avec le registre de la rivalité en tant qu’égalité des forces en présence). Les deux notions se retrouvent néanmoins dans le champ des organisations lorsque l’usage de compétences indi- viduelles et collectives permet d’atteindre un niveau de performance ou de fournir un avantage concurrentiel à une acteur économique. Réfléchir sur la compétition et la mise en concurrence des agents suppose de s’interroger sur les conditions par lesquelles sont réunies l’égalité des chances, au fondement d’une saine compétition et d’une coopération organisationnelle.
Certains voient dans la généralisation de la mise en concurrence des acteurs l’un des traits caractéristiques de notre société néolibérale. Cette place de la compétition dans le jeu éco- nomique n’est pas nouvelle. La compétition est au fondement même de l’économie libérale. Ainsi pour Adam Smith, la concurrence libre impose une discipline morale au marché qui seule permet de garantir l’adoption de comportements vertueux par les acteurs économiques. Pour Baudrillard toutefois la compétition tendrait à devenir le modèle de toute relation sociale. Ain- si, nous serions entrés dans « une société de concurrence généralisée, totalitaire, qui joue à tous les niveaux, économique, savoir, désir, corps, signes et pulsions, toutes choses désormais produites comme valeur d’échange dans un processus incessant de diérenciation et de sur- diérenciation ». Et « le procès de consommation rend plus violente, plus aiguë la concur- rence sous toutes ses formes ». Cette prégnance et cette généralisation de la compétition tendraient à transformer la valeur du travail et le sens social qu’on lui assigne. Si le travail est essentiellement une activité instrumentale par laquelle l’homme cherche à subvenir à ses besoins en transformant la nature, le néolibéralisme entreprendrait de rendre le travail désirable pour lui-même en instaurant un nouveau régime passionnel associé à la promesse d’un épanouissement personnel dans et par le travail. Ce nouveau régime passionnel serait exacer- bé par des instruments managériaux tels que la ludification du travail ou le management par les valeurs, lesquels ne seraient pas neutres pour la santé des acteurs du travail. La pluralité des intervenants nous permettra d’aborder à la fois la question des enjeux ontologiques de la compétition (et ses ressorts) mais également ses effets.
9h00-9h30 Accueil
9h30-9h45 9h45-12h00 Ouverture et présentation de la journée La compétition, seule loi du marché ?
« Valeur morale et sociale de l’envie et de la jalousie » Isabelle Pariente Butterlin, Professeur au département de philosophie d’Aix Marseille Université, IHP
« Enjeux ontologiques d’une économie décentralisée » Alfredo Jimeno Orrego, Chef d’entreprise
10h50-11h05 Pause
« Homo ludens » Mieke de Moor, Chercheur associé IHP
« La gestion des compétences collectives dans les nouvelles formes d’organisation du travail » Cathy Krohmer, Maître de conférences à la Faculté d’économie d’Aix Marseille Université, LEST
12h15-14h00 Pause déjeuner
14h00-16h00 Compétitionetcoopération,vecteur de management des équipes ?
« Entreprendre de manière responsable ou se responsabiliser en entreprenant » Emmanuel D’hombres,Maitre de conférences à la Faculté de philosophie de l’Université Catholique de Lyon
« La bienveillance a-t-elle sa place en entreprise ? », Christophe Salvat, chercheur UMR CGGG
« Le nudge en entreprise : une méthode « douce » au service du bien commun », Yves Rénié, Consultant interne Engie, PAST département de philosophie d’Aix Marseille Université, IHP
15h45-16h00 Débat et Synthèse