Séminaire des doctorants - Maxime Kristanek : "Le nihilisme moral et ses implications motivationnelles".
Intervention de Maxime Kristanek :
Le nihilisme moral et ses implications motivationnelles.
Mon travail de recherche porte sur le problème, à la fois théorique et pratique, que pose la
croyance concernant les obligations morales.
Lorsque nous croyons avoir des obligations morales, nous utilisons des énoncés du type « je
dois faire X ». Selon la terminologie de Kant, l’obligation morale est catégorique, c’est-à-dire
irréductible à tout désir et à toute convention ; elle vaut inconditionnellement. Si nous ne nous y
conformons pas, alors nous agissons mal, et nous pouvons être blâmés : « nous aurions dû faire
autrement ».
La croyance dans l’existence d’obligations morales fait depuis quelques années l’objet de
critiques nouvelles et radicales, au travers de ce qu’on appelle la théorie de l’erreur morale. Selon
les théoriciens de l’erreur, qu’on appelle également « nihilistes », nos croyances morales sont toutes
fausses. Dans ce débat, un argument central, appelé argument de l’étrangeté, entend montrer que
nous n’avons pas de bonnes raisons de croire que nous avons des obligations morales. Il consiste à
affirmer que les obligations morales sont des entités métaphysiques aux propriétés tellement
étranges que cela constitue une bonne raison de ne pas croire en leur existence. L’argument de
l’étrangeté, notamment dans la version qu’en donne Olson (2014), est–il plausible ? L’enjeu est de
taille. Il y a des jugements moraux auxquels nous tenons fermement ; or, si la théorie de l’erreur
morale est vraie, elle nous empêche même de porter une appréciation morale sur les pires crimes
commis dans l’Histoire puisque nous avons besoin, pour les condamner, de nous appuyer sur des
croyances morales. Comment dénoncer un massacre si nous n’avons plus de croyances morales ?
Nous tenons à nos croyances morales, mais cet attachement affectif n’est pas suffisant pour les
justifier. Ce n’est parce que nous tenons à une croyance que cela suffit à la rendre vraie, ni même à
la justifier.
Dans un second temps, si nous ne croyons plus en l’existence d’obligations morales, notre
motivation morale reste-t-elle intacte ? En d’autres termes, un nihiliste possède-ils moins de raisons
de se comporter moralement qu’un réaliste ? On répondra à cette question à travers l’étude du débat
entre les positions qu’on désigne comme internalisme et externalisme motivationnel.