« La dernière cosmogonie présocratique. Le Papyrus de Derveni »
Alberto BERNABE, Universidad Complutense de Madrid
« La dernière cosmogonie présocratique. Le Papyrus de Derveni »
Argument :
En 1962, à Derveni, à quelque dix kilomètres au nord-ouest de Thessalonique, on découvre, près d’un tombeau, parmi les restes d’un bûcher funéraire, un rouleau de papyrus à demi calciné. Miraculeusement ce ne sont pas moins de vingt-six colonnes du texte du papyrus qui, bien qu’incomplètes, nous sont ainsi parvenues. Le papyrus contient un texte tout à fait singulier. L’auteur du papyrus y commente un passage d’Héraclite, puis consacre des analyses à certains rituels et avance un certain nombre de considérations sur les Erinyes. Suit un long commentaire de quelques vers que l’auteur du papyrus attribue à Orphée et qui appartiendraient à un poème portant sur une lutte engagée entre plusieurs dieux pour la possession du pouvoir suprême. Le poème est daté de peu avant 500 avant Jésus-Christ.
Donnant pour acquis que l’auteur du poème est Orphée, le commentateur s’en tient au poème qu’il considère comme authentique ; en revanche il n’accepte pas de s’arrêter à son sens littéral car celui-ci contredit les principes fondamentaux de doctrines scientifiques et philosophiques auxquelles il croit. Il considère donc qu’Orphée a délibérément « codifié » un récit scientifique et l’a traduit en des termes mythologiques pour qu’il ne puisse pas être compris du tout venant. De ce fait le commentateur reprend les épithètes divines et les actions du mythe pour les « décoder » dans le sens d’une cosmogonie écrite en termes philosophiquement acceptables, cosmogonie qu’il croit être au fondement du poème.
Le propos de cette conférence est double : d’une part reconstruire le récit cosmogonique conçu par le commentateur ; d’autre part voir de quelle façon celui-ci construit (pensant qu’il le reconstruit) le procédé qu’Orphée aurait hypothétiquement suivi pour exprimer un contenu philosophique sous un masque poétique. Le plus intéressant est que les mots qu’il emploie pour « traduire » les termes poétiques sont propres au langage cosmogonique des présocratiques. Le commentaire du papyrus de Derveni se trouve dès lors être la dernière cosmogonie présocratique connue de nous.
Ces séminaires sont organisés en collaboration avec le Centre d’études sur la pensée antique « kairos kai logos ».