Tiphaine Milani
Une tradition philosophique est parvenue jusqu'à nous : la tradition socratique. Mais au temps où Platon était Platon, le platonisme n'existait pas encore. Ce dernier a créé une philosophie que la tradition a reconnu comme telle mais la philosophie existait avant Platon. Avant que Platon lui donne le sens que nous connaissons la philosophia était sœur de l'éducation. La philosophie se rapporte alors à la culture intellectuelle et générale notamment à travers l'apprentissage de la technique rhétorique, de l'art de l'éloquence. Le sens que donne Isocrate à sa philosophia correspond en partie à cette définition présocratique et ma thèse s'inscrit dans une lignée de recherches portant sur les liens qu'entretient la philosophie de ce dernier avec le discours et l'éducation.
La philosophie d'Isocrate, rivale de celle de Platon, accorde – tout comme cette dernière – une grande importance au discours et à l'éducation. Mais la philosophie d'Isocrate ne fut pas reconnue comme telle par la tradition car s'éloignant sur de nombreux de points de la définition platonicienne. Mon objectif est de montrer qu'Isocrate n'est pas qu'un maître de rhétorique et que ses discours ne relèvent pas seulement de l'art littéraire et de la mise en application d'une téchnè rhètorikè mais, bien au contraire, qu'il met en place une véritable réflexion sur le logos, ce dernier permettant la formation morale et politique de l’homme.
Mon premier objectif a été de tenter de donner une définition du terme philosophiA chez Isocrate. Pour cela, j’ai procédé à une analyse précise du terme dans l’oeuvre d’Isocrate et j’ai examiné tous les passages dans lesquels il apparaît afin de saisir les tenants et les aboutissants de ce concept. Tout d’abord, il m’a semblé que le concept n’était pas fixé immédiatement, qu’il suivait une évolution qui ne se décantait que par la confrontation des différences occurrences. Si philosophiA est clairement associée à la maîtrise du discours, cette dernière n’a pour seul but que la vertu. La philosophiA n’est pas seulement maîtrise du logos, mais maîtrise du bon logos. Réduire la philosophiA a une culture oratoire, c’est faire fi du rôle qu’Isocrate donne au discours. La philosophie est sous-jacente aux discours. Impossible donc de séparer chez Isocrate les aspects oratoires et les aspects philosophiques.