« Des sophistes avant Protagoras ? »
Robert WALLACE, Northwestern University, Chicago
« Des sophistes avant Protagoras ? »
Argument :
Bien que la plupart des spécialistes aient désormais très largement renoncé à la conception beaucoup trop négative et unilatérale que Platon présente des sophistes, comme étant des maîtres de rhétorique amoraux délivrant leur enseignement contre un salaire, en revanche pratiquement tous les savants conservent l’étiquette « sophiste » que Platon leur a attribuée. Et, somme toute, ils conservent le nom de « sophiste » pour les mêmes individus que Platon, et, pour ce qui est de la chronologie des sophistes, ils s’en tiennent également à Platon. Ma communication se propose de remettre en question ces trois points. Assurément, après 460, nombre d’intellectuels (certains sont certes les sophistes de Platon, mais d’autres non) présentent des caractéristiques communes : ils forment des dirigeants politiques tels que Périclès, leurs recherches portent sur différents aspects des affaires humaines, ils cultivent une sagesse pratique (ils écrivent des législations ou étudient l’art oratoire, pour ne donner que deux exemples), ils s’interrogent sur la question des dieux, ce qui n’empêche pas que chaque sophiste soit bien spécifique et différent de tous les autres. Quels furent donc les premiers penseurs à s’occuper de ce genre de choses ? Le passage du Protagoras 316 c – 317 c est à l’origine des questions que je me propose de traiter sur les trois points que j’ai énoncés. Reste que, dans ce passage, Protagoras affirme qu’il n’est nullement le premier sophiste et il dit qu’il y eut bien des sophistes avant lui, Simonide inclus, bien que ceux-ci ne se donnassent pas eux-mêmes le nom de sophistes (et de fait, dans le Protagoras de Platon, Protagoras et bien d’autres sont le plus souvent appelés sophoi). Platon a raison : Simonide et Lasos d’Hermione présentent nombre de traits qui caractérisent les « sophistes » de la fin du cinquième siècle, et il en va de même du diaskalos de Themistoklès, Mnesiphilos. Les principaux intérêts qui caractérisent les investigations de nombre de sophoi/sophistai remontent peut-être auxdits Sept sophoi/sophistai de 600-580, et plus tard aux Pisistratides. Comme Platon le montre lui aussi très clairement aussi, le dernier des sophos/sophistai est Socrate ; après lui les synergies entre les intellectuels et les élites dirigeantes d’Athènes cessèrent, en raison de la conduite scandaleuse des uns et des autres lors de la guerre du Péloponnèse.
Ces séminaires sont organisés en collaboration avec le Centre d’études sur la pensée antique « kairos kai logos ».