Florian Tomasi

Pôle: 
Histoire de la philosophie moderne
Grade: 
Doctorant
Statut du bureau: 
Doctorant(e)
Unités de recherche: 
Vérité et langage
Année de première inscription: 
2019.00
Statut du doctorant: 
Contrat doctoral
Nom de la thèse: 
Nietzsche lecteur d'Épicure
Sujet de la thèse: 

Nietzsche n’est rien sans les Grecs. L’exégèse nietzschéenne n’a pas manqué de souligner régulièrement ce point et d’insister sur le rapport de Nietzsche aux philosophes grecs et à l’Antiquité comme étant une clef d’entrée essentielle dans sa philosophie. Reste que la manière dont se tisse le rapport de Nietzsche aux Anciens reste encore aujourd’hui en forme d’énigme, comme un écho des enigmata grecs eux-mêmes. Et Nietzsche ne dévoile pas souvent les entrelacs de sa pensée qu’il se plait à dissimuler soigneusement entre ses lignes comme entre ses mots. Etudier la pensée de Nietzsche réclame dès lors la plus extrême prudence et la plus grande sagacité lorsqu’il s’agit de suivre les indices disséminés dans son œuvre. Mais prêter une attention particulière à celle que le philosophe allemand accordait aux Grecs permet en contrepoint non seulement de comprendre les concepts qu’il tisse, mais également de restituer la cohérence de son œuvre et son évolution, au-delà de l’argument d’instabilité voire d’inconstance parfois évoqué pour justifier les changements deposition de Nietzsche, oscillant souvent entre enthousiasme à la première lecture d’un auteur contrebalancé par un rejet brutal ultérieur. Un des points centraux qui marquent son rapport à la philosophie grecque est que Nietzsche se sert de trois points de vue pour saisir les objets de pensée : à la fois philosophe, philologue et historien de la philosophie, il fait de la philosophie un jeu de perspectives. Suivre l’orbe de ce perspectivisme, c’est retrouver ou révéler les principes, les dispositifs et les mécanismes de la méthode d’analyse nietzschéenne et appréhender ainsi la philosophie de Nietzsche sous un tout nouvel angle.

Ma thèse s’inscrit dans cette perspective et vise à expliciter les liens qu’a entretenu Nietzsche avec le matérialisme antique et notamment avec un auteur en particulier : Epicure. Extrêmement rares sont les études consacrées en histoire de la philosophie au rapport spécifique de Nietzsche à Epicure. Pourtant, à l’exception de Socrate et hormis Platon, le philosophe allemand ne se réfère à aucun autre penseur de l’Antiquité avec autant insistance. La référence à Epicure traverse l’ensemble des écrits de Nietzsche depuis son premier ouvrage, La Naissance de la tragédie (1872) jusqu’à l’Antéchrist (1896). Toutefois, la relation de Nietzsche à Épicure pose problème. Objet d’admiration, voire de vénération dans un premier temps, les rapports intellectuels entretenus avec le fondateur de l’école du jardin se dégradent dans ses écrits tardifs, et Epicure passe du statut de modèle de sagesse à une figure de la décadence de la vitalité de l’esprit. Ainsi, si, en 1882, Nietzsche pouvait écrire dans le Gai savoir, qu’il pouvait être fier d’avoir une lecture d’Épicure « peut-être différente de celle de tout le monde », qui lui procurait une joie semblable à un « bonheur d’après-midi » ; en 1888, en revanche, on peut lire dans L’Antéchrist qu’« Épicure est un décadent typique », Nietzsche faisant ainsi du philosophe antique un des premiers instigateurs de la morale chrétienne. Les rares études traitant de ce sujet présentent ce changement d’attitude comme le résultat de la versatilité de Nietzsche ou comme la marque d'une évolution brutale de sa pensée. Cette thèse ambitionne d’aller à l’encontre de ces interprétations, en montrant que loin d'être une preuve d’inconséquence, cette bivalence s’inscrit dans la philosophie même de Nietzsche, qui soutient un perspectivisme. En effet, comme nous l’avons déjà dit, Nietzsche aborde les penseurs qu’il étudie selon trois points de vue : celui du philologue, celui de l’historien de la philosophie, et celui du philosophe stricto sensu. Le projet de cette thèse est donc non seulement d’identifier l’éventuelle évolution de ces trois positions dans la compréhension nietzschéenne de la pensée d’Épicure à travers ses écrits, mais d’en montrer l’articulation. 

 

Sous la direction de (IHP): 
Florian
Tomasi